Quand la musique nous embobine ! Avec Elisabeth Anscutter et Walli Badarou

E. Anscutter et W. Badarou

Quand la musique nous embobine ! Avec Elisabeth Anscutter et Walli Badarou

Pour cette deuxième édition du Fifac, la musique s’invite dans les conférences publiques et ateliers pour enfants. Elisabeth Anscutter, musicienne et compositrice et Walli Badarou, compositeur et producteur, tous deux membres de l’UCMF (union des compositeurs de musique de film), interviendront le mercredi 7 octobre afin d’évoquer l’importance de la création d’une bande originale de film, nous sommes allés à leur rencontre…

Fifac : Quel est le rôle de la musique dans un film documentaire ? 

Elisabeth Anscutter : La musique est au service de l’image que ce soit pour un documentaire ou un film. Toutefois si l’idée de départ est la même, un documentaire se base sur des faits réels ou bien sur un ou des personnages existants ou non et une histoire qui relève de la fiction. Le rôle de la musique est donc d’aider à mettre en valeur ces documents. Par exemple, si un documentaire parle de la vie d’un personnage en particulier, alors l’enjeu est de savoir quelle musique est en adéquation avec sa personnalité, son parcours.

Fifac : Pourquoi une bande originale est-elle si importante ?

EA : La bande originale est le scénario invisible du film. Bien souvent, les gens ne la remarque pas mais il suffit de la remplacer par une autre complètement différente pour que les spectateurs réagissent : « Mais non ! ça ne va pas cette musique ! ». Tout le monde a dans la tête une musique de film connue, par exemple un western de Sergio Leone et le célèbre harmonica d’Ennio Morricone. Son succès réside dans la parfaite harmonie des images et de la musique, le compositeur a su trouver la troisième dimension du film, en lui ajoutant de la profondeur. 

Walli Badarou : Le rôle de la musique dans un film documentaire est exactement le même que celui de la musique dans toute oeuvre audiovisuelle. Lorsque présente dans l’oeuvre, la musique est co-substantielle de cette oeuvre au même titre que le scénario ou la réalisation. C’est à ce titre que le compositeur est co-auteur du film, documentaire ou pas.

Fifac : Pensez-vous que la démocratisation des outils permettant de fabriquer de la musique (les logiciels accessibles sur les ordinateurs, par exemple, le développement des « home-studio » ) vont donner naissance à de nouveaux compositeurs ou plutôt au contraire « tirer vers le bas » et aboutir à une musique insipide, une musique « d’ascenseur » comme on les nomme communément ?

EA : Ces nouveaux compositeurs existent déjà ! Il n’est plus nécessaire, comme avant l’arrivée de la Musique Assistée par Ordinateur de savoir lire la musique, de savoir comment sonnent les instruments de l’orchestre, ces logiciels le font pour nous. Mais dans le fond, ces jeunes compositeurs sont comme les « anciens », ils sont doués ou pas, ils comprennent ce dont l’image peut avoir besoin ou pas et ils ont envie d’aller plus loin dans leurs recherches et études de musique ou pas… 

 L’illustration sonore a vraiment évolué et le terme péjoratif de « musique d’ascenseur » n’est pas utilisé dans le métier, nous parlons de librairie musicale. Elle est devenue au fil du temps de bien meilleure qualité. Bien sûr il y a des musiques « insipides » comme vous dites, ce qui ne veut pas dire que le compositeur l’est lui, insipide, il dépend pour beaucoup des commandes qui lui sont faites.

WB : Il y aura de tout, comme partout et en tout temps. Le talent ne se juge pas à l’aune de la technologie utilisée. Bien indépendamment de la démocratisation des outils de production, il a toujours été parfaitement possible de faire avec très peu: un enregistreur stéréo et une flûte suffisent à faire une bande-son d’incomparable qualité et, à l’inverse, la musique d’ascenseur a bien longtemps été issue d’enregistrements symphoniques. L’arrivée des home-studio, datant du milieu des années 80, ne change rien à la donne: seul la décision du producteur, le donneur d’ordre, basée sur les goûts du public qui, à leur tour, orientent les requêtes du diffuseur, est en définitive responsable. Autrement dit, nous le sommes tous.

Fifac : Parallèlement, le regain pour les synthétiseurs, et d’une façon générale le regain envers les instruments de musique sont-ils la résultante d’une « overdose » de sons numériques et « auto tuner » ? Cet engouement (relatif) va-t-il sortir les jeunes de « garage band » et renouer avec une proposition créative d’illustration sonore ?

EA : Je pense que ce n’est pas l’utilisation des synthétiseurs et instruments virtuels (comme les échantillonneurs ) qui pose problème. Le compositeur choisit sa façon de les utiliser et je fais confiance aux jeunes sur la manière dont ils désirent travailler et évoluer. Ils ne sont ni plus ni moins doués que les générations précédentes, ils ont simplement des outils que n’avaient pas nos aînés.

Par contre, ce qu’ils n’ont plus, ce sont les moyens de réaliser les bandes originales ! Un orchestre, ou même une petite formation orchestrale coûte plus chère qu’utiliser nos machines (même si elles aussi ont un coût…) et les enveloppes données pour la réalisation de la musique (quand il y a une enveloppe…) sont très souvent tellement minces que le compositeur, de toutes façons, n’a pas d’autre choix que d’utiliser ses machines.

WB : Si votre question se résume à: la musique doit-elle rester l’apanage des compositeurs et musiciens, tout comme la médecine celui des médecins ? Il n’y a aucune difficulté à répondre que cela serait souhaitable. Tant qu’il y a de l’humain dans le process, il y a de l’espoir. Ce ne sera en définitive qu’une question de degré de compétence que, bien subjectivement, on attribue à tel ou telle catégorie de “professionnels”. Le vrai danger vient de ce que la technologie finisse par se suffire à elle-même, lorsqu’il n’y aura même plus besoin de savoir utiliser garage band pour prétendre “créer” de la musique.

Fifac : On a toujours en tête les « mastodontes » de la composition de musiques de films, je pense à Ennio Morricone, Michel Legrand, Vangélis, Giorgio Moroder, et tant d’autres, de qui pourriez-vous nous parler aujourd’hui ?  Qui se démarque et pour quelles raisons, selon vous ? 

EA : Généralement, les compositeurs qui émergent aujourd’hui sont ceux dont les films, ou séries sont connues. Pour ma part, j’aime beaucoup le style de Mica Levy (Micachu) une compositrice anglaise qui vient de la musique contemporaine et du pop expérimental. Elle a déjà à son actif des films comme : Under the Skin et Jackie, elle va aller loin ! Et j’aime beaucoup aussi le compositeur français ROB qui a composé,entre autres, les musiques du Bureau Des Légendes.Tous deux savent parfaitement utiliser ces logiciels et les « vrais » instruments de musique, ils sont tombés dedans…

WB : Il me serait impossible de ne parler que d’un seul, tant ils sont tous importants, pour des raisons diverses et propres à chacun.

Fifac : L’union des compositeurs de musiques de films (UCMF)  a créé à l’occasion de son dixième anniversaire un prix spécial pour récompenser les musiques de films,  quel en est l’enjeu ? Qu’en attendez-vous ?

EA : Un des enjeux de l’UCMF est de faire prendre conscience au public de l’importance de la musique à l’image et d’encourager les compositeurs à poursuivre leur carrière. L’Ucmf a pour vocation de fédérer les compositeurs en tenant compte de leur diversité et de travailler ensemble sur des dossiers comme la défense des droits d’auteurs, un prix de musique de film à Cannes, etc.

WB : Parmi les divers prix que l’UCMF à créé pour récompenser la musique pour l’image, le prix spécial a été conçu pour honorer toute une carrière. L’enjeu est de reconnaître l’auteur en tant que personne, et ce en quoi à travers l’ensemble de son oeuvre il a non seulement impacté toute la profession, mais a dûment collaboré à la bande-son mémorielle de plusieurs générations de spectateurs à travers le monde entier.

Fifac : Que peut apporter le Fifac dans cette démarche de sensibilisation à la création musicale ? 

EA : En faisant exactement ce qu’elle fait ! Master class, ateliers musique de film pour les enfants, rencontres, prix musique de film. C’est formidable que le FIFAC laisse une belle place à cet art qu’est la musique de film.

WB : Mettre en lumière l’apport caribéen à l’édifice culturel mondial que représente la musique à l’image dans notre univers. Cet apport reste trop souvent méconnu de l’univers de la création comme du public mondial.

Fifac : Si vous n’aviez « droit » qu’à un seul disque sur une île déserte, quel compositeur emmèneriez-vous ? 

EA : Il était une fois la révolution : Ennio Morricone

WB : Aucun, tant j’aurais peur de m’en lasser bien vite. En raison de cette hantise, je n’écoute que très rarement mes oeuvres préférées. Sur une île déserte, je préfererais vivre avec le souvenir de toutes les bonnes choses dont je serais privé, plutôt que de me condamner à ne consommer que celles-là.

Propos recueillis par
Marianne Doullay

Mercredi 7 octobre

14h30-15h30 : conférence en ligne.

DOCUMENTAIRE ET CREATION MUSICALE proposée par l’UCMF (Union des compositeurs de musiques de films).

Animé par Kathy Borie, déléguée générale de l’UCMF.

Intervenant : Wally Badarou, compositeur et producteur.

15h00 : ATELIER CINEMA ET MUSIQUE DE FILM encadré par Elizabeth Anscutter, afin de sensibiliser les enfants au travail de création et de réalisation d’un film et de ses musiques.

Carbet des Associations – Village chinois – Saint-Laurent du Maroni

Sur inscription – enfants de 10 à 12 ans résidant au Village Chinois – nombre de places limité

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