Interview de Christiane Taubira, présidente du jury

Photo de Christiane Taubira

Interview de Christiane Taubira, présidente du jury

Photo de Christiane Taubira
Madame Christiane Taubira nous fait l’honneur d’assumer la présidence du jury de cette 5ème édition du FIFAC. Ancienne députée, ancienne ministre, auteure prolifique et poétesse sensible, Christiane Taubira apportera son regard avisé sur les enjeux cinématographiques, sociaux et politiques des documentaires issus de la région Amazonie et Caraïbes.
Elle a accepté, pour le FIFAC, de répondre à quelques questions.

 

Pouvez-vous partager avec nous les raisons qui vous ont décidée à accepter notre invitation ? 

J’ai tellement bourlingué à travers le monde, marrainé et soutenu tellement de causes, ici, là et ailleurs, que je goûte avec délectation la saveur particulière de cette responsabilité : porter chez moi l’étendard du FIFAC. Son identité est bien installée et l’exigence est une de ses marques de caractère. C’est à la fois un honneur et une aventure. Je dois dire que j’ai noué avec le septième art, dès mon adolescence, une relation à la fois passionnelle, gourmande et confiante. La salle obscure suggère autant la parenthèse que la transgression. Je suis d’une génération où les divertissements étaient assez rigoureusement prohibés ou contrôlés pour les filles. Aller au cinéma relevait davantage de l’éducation que du loisir ou de l’initiation artistique. Idem pour le théâtre. De sorte que les rares films autorisés étaient didactiques ou religieux. Devenue étudiante indépendante à Paris, je ne vous raconte pas les orgies de cinéma que je m’offrais ! Tous les Gavras, les Kurosawa, Scola, Pasolini et de Sica, les Van Peebles, tous les Varda, Bergman, Herzog, Fassbinder, plus tard, les Jarmusch et Almodòvar, après Hitchcock, Lumet, Mankiewicz… Sans compter les ovnis comme Eisenstein, Ousmane Sembène… 

Comment envisagez-vous votre rôle de présidente du jury ? 

Déjà, pour donner du plaisir, il faut savoir en prendre. Le public cinéphile doit se sentir chez lui, et le public novice doit se sentir à son aise. Nous allons tâcher de maintenir à la fois une ambiance de fête et un climat de découverte. Présider le jury représente pour moi la plus grande part de responsabilité dans cette double ambition. Et je sais combien tout le travail effectué en amont par les équipes de prospection, de repérage, de sélection et d’organisation, avec la précieuse contribution des partenaires aussi bien institutionnels que professionnels, est déterminant. Les autres membres du jury sont de telle qualité, à travers leurs bagages culturels, leurs parcours professionnels et leurs œuvres, que je ne doute pas que nous y parviendrons. Je me délecte déjà à l’idée des discussions probablement passionnées et érudites que nous aurons sur les documentaires.  


Pour vous, quel est l’intérêt du FIFAC en Guyane et dans la Grande région ? 

C’est comme un recentrement du monde. Quelle autre région du monde porte, avec cette évidence et cette vigueur, à la fois la mémoire millénaire des êtres, des sociétés, des lieux, des environnements, des fracas et des harmonies, d’une part ; et d’autre part, le tumulte contemporain des revendications et des conflits ; le tourment des déséquilibres et des pouvoirs ; la conscience des identités composites ? Où trouve-t-on en même temps autant de continuités et de ruptures ? Et un tel art de la narration ! 


Qu’attendez-vous d’un film documentaire ? 

Le documentaire est censé satisfaire à une mission informative. Il laisse donc supposer une esthétique a minima, la rigueur dans le propos, et le prototype serait le documentaire historique où se succèdent des experts, leurs explications alternant avec des images d’archives. Sur l’autre rive, il y aurait le biopic, plus ou moins rigoureux, assez couramment générateur de divergences et de contestation vive ou modérée. Oppenheimer, par exemple, n’y échappe pas. Ce que des cinéastes ont démontré, c’est que le documentaire peut concilier l’exactitude scrupuleuse de faits, sans exclure la complexité ou l’ambivalence de personnages, avec une conception, une dynamique, une forme, bref, une esthétique qui ajoute beauté et épaisseur au sujet traité, qu’il s’agisse de personnalités, d’évènements majeurs, de nos environnements… C’est ce qu’ont très bien réussi Spike Lee avec Malcolm X et BlacKkKlansman ; Marcel Ophüls avec Le chagrin et la pitié ; Alexandra Dean sur Hedy Lamarr ; Agnès Varda sur les Blacks Panthers ; Sarah Maldoror avec Aimé Césaire ou Cap vert ; ou encore Nina Nawalowalo avec A boy called Piano. Ou même Al Gore et Guggenheim sur le climat.  

En quoi le Politique rejoint-il le culturel et comment peut-il intervenir en faveur du développement des expressions culturelles des territoires amazoniens et caribéens ? 

Il y a le Politique qui englobe tous les actes de nos vies, dès lors qu’ils ont un rapport au social ; il y a le culturel, qui révèle nos façons d’être au monde, à la fois enracinés dans un lieu et une histoire, tout en restant disponibles aux autres et à leurs façons d’expliquer le monde et de rêver l’avenir ; il y a la politique qui tente de coudre la vie commune, d’y mettre de la cohésion par le partage des savoirs et l’accès aux arts ; et il y a le pouvoir qui doit conduire des politiques publiques favorables à l’émancipation individuelle, à la civilité, à la créativité. Au plus près des territoires, les collectivités peuvent ou pourraient beaucoup. L’Amazonie et la Caraïbe sont des organes palpitants de notre monde. Il faut leur élargir le champ. 

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