Bruno Florentin, producteur dans la société Real Production est à Saint-Laurent du Maroni, pour le Fifac et les rencontres Doc Amazonie-Caraïbes mais aussi pour suivre de près son « poulain » le réalisateur Christophe Yanuwana Pierre.
Rencontre avec un homme de goût, sensible, qui nous dévoile ici une approche de son travail.
Comment définirais-tu la ligne éditoriale de ta structure de production ?
On essaie de placer l’homme au centre d’une société en plein mouvement. On fait des films qui vont traiter d’histoire, on aime l’histoire et parfois hélas, il faut la refléter. On s’aperçoit que des phénomènes fâcheux de notre histoire peuvent tout à fait se renouveler alors, il faut répéter les choses, on participe à l’Histoire. Autrement, on fait beaucoup de films sur l’environnement, là aussi il faut répéter les choses. Montrer les initiatives, pas seulement alarmer mais montrer. On parle aussi de société, des « hommes ». On fait aussi quelques films qui ont trait à l’art, des portraits d’artistes, sur le cirque, des musiciens, des chanteurs, des auteurs, on travaille actuellement avec un artiste de théâtre… C’est assez varié… C’est comme un coup de coeur. Moi au début, si j’ai fait des films, c’était pour parler, très naïvement sur les droits de l’homme, je pensais que chaque film pouvait changer les choses…
Je rebondis sur « chaque film pouvait changer les choses… » Ce matin tu évoquais le travail d’écriture et d’accompagnement. Et j’ai remarqué que tu apportes une attention très particulière à certains auteurs, comme Christophe Yanuwana Pierre, peut être y en a t-il d’autres ? Sur cette préparation, ce travail d’écriture, qu’est ce qui détermine que tu vas aider plutôt tel auteur qu’un autre dans son travail qui amène, comme tu le dis, à la liberté ?
Le travail d’écriture est effectivement fondamental, c’est ce qui prend le plus de temps, je crois. C’est ce qu’oublient souvent les chaines et les financeurs. Faire un enfant c’est 9 mois mais faire un film demande un long travail d’écriture. Pour bien développer le travail et aller jusqu’au bout. Ce n’est pas écrire un dossier, c’est déjà imaginer un futur film donc c’est peut être une contrainte au début, oui…mais quelle liberté après. A partir de là on peut faire des choix, on peut faire autre chose. Entre un dossier et un film il y a un pas car il y a plein de choses qui vont se faire et plein d’autres qui ne vont pas se faire. Il faut rester ouvert mais au moins cela permet d’avoir une ligne narrative, d’avoir un fil directeur et de savoir où on va. Et ces dossiers, souvent, quand on est en montage et que l’on a des blocages, moi je leur dit : « Je sais ce qui ne va pas dans votre film et en plus c’est vous qui l’avez écrit, revoyez le dossier » la plupart du temps, ça débloque le travail. C’est donc un document de travail qui permet d’avoir la liberté de bouger, de retrouver… c’est un guide.
« C’est un guide », c’est joli. Je me demande si toi aussi, finalement tu n’es pas un peu un guide, un accompagnateur ?
Comme je le disais tout à l’heure, c’est un peu ce pourquoi je me suis lancé naivement dans le documentaire, pour les droits de l’homme. Sur ce projet, comme j’ai rencontré Christophe Pierre, c’est une ouverture et je me suis dit peut être, enfin, j’allais commencer à faire un film sur les droits de l’homme, comme j’en rêvais depuis longtemps. J’ai été séduit par son charisme, je voyais des images dans ses paroles, des rêves, des émotions, et je me suis dit : « J’ai 61 ans, je ne vais peut être pas faire de films durant 10 ans mais celui là je veux le faire. Il faut aller jusqu’au bout de ce film*.
Pour conclure, quel est ton regard et ton attente par rapport au FIFAC ?
J’avoue que j’étais là l’an dernier lorsque la décision s’est prise. Encore « une vision », un rêve aussi. Quand Didier Urbain a fait cette proposition auprès des personnes de France Télévisions et que Wallace Koltra a donné son assentiment, Je me suis dit : « À Saint-Laurent du Maroni, comment vont-il faire ? C’était un sacré challenge et quand j’ai reçu le programme, quand je vois au quotidien, ce qui se passe ici, c’est juste génial !
Et puis, c’est surtout intelligent. J’ai bien aimé le discours d’ouverture de Patrick Chamoiseau sur cette expression : « Nous incitons les Caribéens à s’émanciper, juste à s’émanciper, c’est un pays mais émancipons-nous, on a notre culture ». Alors je trouve que ce festival est en parfaite adéquation avec ce discours ou ce discours est en parfaite adéquation avec ce festival. Dans tous les cas l’un va bien avec l’autre.
Propos recueillis par Marianne Doullay.