Author: Festival Fifac

Tous les jours, découvrez la newsletter du FIFAC. C’est déjà la fin… Cinquième journée, le portrait de Patrick Chamoiseau, Président du Jury du FIFAC, le programme de la journée et l’interview de Christophe Yanuwana Pierre, réalisateur Kali’na.

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Edito

A la veille du palmarès, les premiers bilans commencent à circuler dans les coursives du bagne. Nous atteindrons sans doute, au bas mot les 2500 personnes en fréquentation publique, sur la semaine. Nous avons accueilli environ 180 professionnels, qu’ils soient diffuseurs, producteurs, réalisateurs, artistes, journalistes, sans compter les représentants officiels de nombreux pays de la zone Amazonie-Caraïbe. N’oublions pas non plus l’incroyable participation des lycéens et collégiens qui sont aussi venus ponctuellement participer à l’événement. A première vue, cette édition est d’ores et déjà un succès.

Ce soir nous avons rendez-vous sous le manguier pour découvrir le film en écran parallèle Césaire contre Aragon, réalisé par Guy Deslauriers, écrit par Patrick Chamoiseau. Sans aucun doute, un pur moment de poésie.

Samedi 19 octobre, nous publierons un premier bilan « à chaud » du festival mais aussi le palmarès dans son intégralité. Nous inviterons les jurés à nous livrer leurs intimes convictions, celles qui ont permis de délivrer l’ensemble des prix.

Nous vous souhaitons une belle journée, et une belle soirée. Guyane la 1ère sera là pour une retransmission en direct.

Regardons, et n’oublions pas de penser.

MD

Le portrait du jour : Patrick Chamoiseau

Ecrivain français originaire de Martinique, Patrick Chamoiseau est auteur de romans, de contes, d’essais, un théoricien de la créolité. Il est présent cette semaine au FIFAC en tant que président du jury du Grand prix du festival.

FNL : En tant qu’écrivain, qu’avez-vous envie de transmettre aux jeunes générations ?

PC : Un écrivain c’est un artiste qui dispose d’une sensibilité particulière que l’on peut appeler une esthétique. C’est une conception du beau qu’il développe, dans sa pratique. L’esthétique est importante parce qu’elle nous permet d’échapper au prosaïque de l’existence et surtout aux laideurs, aux horreurs, aux pauvretés, aux insuffisances, à la simplification. Chaque fois qu’il y a un surgissement de beauté on a une sorte de révélation d’une partie du réel qui est beaucoup plus profonde, beaucoup plus invisible et beaucoup plus éclatée. Quand le réel est perçu avec beaucoup plus d’amplitude l’imaginaire s’amplifie. L’artiste ne transmet pas une vérité mais une expérience au monde.

FNL : De l’écriture aux images, comment un événement comme le Fifac peut favoriser l’émancipation et la reconnaissance des peuples ?

L’homo sapien, vivait dans un écosystème naturel. Toutes les cultures des amérindiens, des bushinengues, tous les peuples que l’on peut appeler les peuples premiers vivaient dans un écosystème nature. C’est avec ça que toutes les civilisations de la planète se sont constituées. Puis s’est déployé un autre système qui est l’écosystème urbain. Vous êtes les enfants de la ville, vos modes de connaissance sont des mode de connaissance urbaine.

Il y a un troisième écosystème qui apparaît c’est celui du numérique qui est en train de se développer et de tout avaler. La chose la plus puissante dans ce système numérique c’est l’image. La suprématie du mode de vie américain, vient très largement du cinéma 

américain (…). L’image est importante, si dans ce flux d’images numériques, la Guyane, les peuples comme les nôtres n’ont pas d’images, n’ont pas de cinéma, ne produisent pas leur propre image, ils vont consommer les images des autres, ils vont dessécher leur imaginaire, l’aliéner. Il faut que nous puissions habiter les systèmes numériques et il y a plusieurs manières de les habiter. Cela me paraît essentiel que l’on puisse développer, ici à SLM, à Cayenne, à Fort de France (…) des écoles de cinéma pour exprimer l’expression de nous-mêmes à travers et avec les images.

Le FIFAC permet d’amplifier la créativité et l’imaginaire ce qui déclenche un processus d’épanouissement individuel et collectif. C’est pourquoi un festival comme celui là est primordial à mes yeux.

FNL : Sans dévoiler quoi que ce soit à propos de la sélection du festival et des films en compétition. En tant que Président du jury, pouvez-vous nous donner une perception de l’ensemble de la programmation. Quelle suite vous envisagez après ça ?

C’est une programmation formidable. Le documentaire qui correspond à mon esthétique, est celui qui va traiter de l’état du monde et de ses grandes problèmatiques, on retrouve ça dans tous les documentaires présents ici. Il y a cependant 2 pôles : le reportage où l’on transmet les informations et il y a l’oeuvre d’art qui ne va pas donner de discours pédagogique, ni d’explication un peu littérale. L’oeuvre d’art va faire vivre une situation dans sa complexité. A la fois une situation collective, le peuple, le monde et une situation personnelle, un individu dans sa matière la plus profonde, dans son humanité. Quelque chose qui témoigne de l’humaine condition. Lorsqu’un documentaire arrive à faire tout cela et à passer de l’information en même temps on a une oeuvre d’art. Cela résume le travail du jury : nous cherchons l‘oeuvre d’art.

Manaée Pancrate-Brunel, Pricella Pinas assistées de Nicole Bargigli et Marianne Doullay

Le pouvoir des images

Christophe Yanuwana Pierre se lance pour la première fois dans la réalisation de documentaires et décide à travers « UNt les origines » de nous faire redécouvrir l’univers autochtone, au-delà des généralités. De manière ambitieuse, il ancre son témoignage dans les mémoires en se livrant sur la culture Kali’na et la signification que détient son film pour son peuple et son village.

FNL : Vous racontez, à travers ce documentaire, votre propre histoire. Quelle a été la raison de ce choix ?

CYP : C’est comme ça que l’on raconte des histoires chez nous, on part toujours d’un point de vue qui est le sien puisque l’on se trouve à un endroit du monde et notre regard est incapable de couvrir toute une surface. Ça vient d’un ressenti également, personnel et individuel mais aussi apte à s’adapter à un jeune faisant parti d’une communauté. Mais d’une certaine manière, ma réalisation avait besoin que j’en sois une partie intégrante.

FNL : Pensez-vous que tous les amérindiens s’y identifieront ?

CYP : Il y a plusieurs choses, dont deux primordiales, qui me permettent de l’affirmer : le fait que le film soit complètement en langue kali’na, ce qui a énormément plu aux anciens car pour la première fois ils arrivaient à en comprendre le contenu du début jusqu’à la fin. Beaucoup écrivent sur nous sans prendre en compte l’essentiel : nos aînés ne savent pas lire. C’est ce qui rend ce côté-là du cinéma intéressant : l’art d’utiliser le son et l’image dans le but de ressentir des émotions, raconter une histoire. Il y a des jeunes amérindiens qui ne sont pas forcément sensibles à la culture et qui arrivent à s’y identifier malgré tout parce qu’ici, le regard anthropologique n’y a pas sa place. En parlant de moi, je crée une individualité qui possède tout de même une trace d’universalité. On est tous confrontés, à un moment donné, à la perte d’un proche que l’on aime et nos différentes perspectives de la mort, du deuil, du suicide voire de la renaissance, sont un moyen de se reconstruire.

FNL : Quels messages cherchez-vous à faire passer à propos des autochtones ?

CYP : Réaliser un film est déjà un geste politique en soi. Aujourd’hui, s’emparer d’une caméra, d’un ordinateur, d’un micro et tenter de faire vivre une réalité ou un rêve, c’est ancrer la vision amérindienne du monde, qui pour l’instant est inexistante. Puis dans le contenu, je cherche à pousser au questionnement : comment on se reconstruit ? Qui sommes-nous ? Comment sommes-nous arrivés là ? Qu’avons-nous envie de faire ? Et finalement, ce documentaire, qui m’a pris plusieurs années, ne véhicule réellement ni réponse ni message. J’offre juste une introspection et un réconfort qui consiste à dire que la quête de soi est un cheminement normal mais aussi indispensable.

FNL : Nous savons que votre but premier était de raviver les traditions de la culture amérindienne. Qu’en est-il cependant de l’effet souhaité sur les autres cultures ?

CYP : J’ai eu l’occasion de présenter « Unt » à de nombreux endroits, tels que l’Encre, Mana et plusieurs villages qui regroupaient des élèves de différentes origines. C’est à travers l’univers que nous avons créé avec l’équipe de tournage, que l’on a réussi à imposer notre point de vue avec le choix des images, la lenteur des plans, la musique mais surtout le silence. Contrairement aux films de notre époque, nous avons décidé de dénuer le générique final de son, afin de pousser les spectateurs à être dans le recueillement et la réflexion. En Guyane, nous avons l’habitude de confondre le reportage et le documentaire, mais dans ce cadre-là, c’est bel et bien de l’information, du vécu : il s’agit d’aborder le sujet du mal-être de l’amérindien à travers le mien. Puis j’invite également la population guyanaise, en tout cas la jeunesse, à raconter elle-même ses propres réalités sans s’handicaper. Car jusqu’à présent, ce sont les autres qui écrivent à notre sujet, alors pourquoi ne pas chercher à le faire de notre plein gré puis élargir notre projet à des cultures extérieures ? Ce serait même intéressant, par exemple, de montrer aux enfants guyanais comment les enfants métropolitains se rendent à l’école. Enfin, il faut chercher à rééquilibrer les généralités que l’on peut avoir les uns aux autres, car si l’image de ta personne est produite par l’autre, ce dernier ne t’impose-t-il pas ce que tu dois être ?

FNL : Votre production pourrait-elle être un outil contre le projet de Montagne d’Or ?

CYP : Pas intentionnellement, mais c’est possible qu’elle l’ait été. Cependant, ce qui est certain, c’est que ce documentaire est une manière de prouver que notre avis n’a pas moins de valeur. Dans le cadre du projet « Montagne d’Or », ils n’ont pas cessé de mettre en avant les avantages que ce dernier aurait dans le domaine du travail en pensant que cela nous conviendrait. Ce qui n’était évidemment pas le cas. Notre priorité reste l’eau car c’est un besoin vital peu importe l’endroit d’où nous venons. Leur donner notre autorisation reviendrait à leur laisser détruire ce que l’on a de plus cher.

Propos recueillis par LaurieAnne Antoine et Honorine Huvelle

Le FIFAC : public et lycéens favorables à une 2ème édition ?

De nombreux professionnels et visiteurs ont été conviés au festival international du film documentaire Amazonie-Caraïbes durant ces cinq derniers jours. Afin de leur faire découvrir l’univers du cinéma et de l’audiovisuel, le camp de la Transportation de Saint-Laurent du Maroni les a accueillis, avec, au programme, diverses projections et conférences. Nous avons décidé de nous intéresser particulièrement au ressenti du public et des lycéens, qui font également partie intégrante de l’évènement.

Permettant à la fois une initiation à l’utilisation des médias, ainsi qu’un approfondissement de la connaissance de l’Amazonie-Caraïbe ; le FIFAC représente une grande opportunité pour les professionnels comme pour les amateurs de cinéma. Les élèves des lycées de Mana et Rémire-Montjoly, présents tout au long de la semaine sur le camp, désigneront le Prix des lycéens ce soir.

Chacun s’attendait à un emploi du temps très chargé dès le premier jour avec un foisonnement de public et de professionnels. Ce n’est qu’au fil des jours que l’ambiance s’est enfin dévoilée. Ils sont aujourd’hui reconnaissants envers les organisateurs du FIFAC qui leur ont permis de vivre cette expérience, en rencontrant divers professionnels du métier et les laissant ainsi découvrir le milieu du cinéma. « Je sais maintenant comment le monde de l’évènementiel lié à celui du cinéma fonctionne et pour un premier festival, c’était génial. Je pense que c’est une bonne expérience à vivre» dit Léa Brodin, élève du lycée Lama-Prévot.

Le public s’attendait à trouver plus d’interaction entre amateurs et professionnels. Certains proposant même des idées d’animation entre chaque projection telles que des jeux ou des concours de réalisation de court-métrage au sein du camp, afin de rendre le FIFAC plus interactif.

Un public très éclectique : amateurs de cinéma, touristes en visite sur le territoire, journalistes et locaux. Principalement informés par le bouche à oreille et les affiches recouvrant la ville de Saint-Laurent, de nombreuses personnes se sont rassemblées ici en espérant trouver une ambiance conviviale et des projections en plein air réussies. Les avis de chacun à l’endroit du FIFAC divergent : certains, bien que le concept international leur ait énormément plu, recherchaient ici davantage de documentaires mettant en avant le territoire de la Guyane.

D’autres pensaient trouver une meilleure infrastructure d’accueil (les toilettes) et auraient apprécié plus de projections dans les cases. Ils sont néanmoins enchantés d’être venus assister au festival dès son inauguration et trouvent que la volonté d’initier des étudiants à découvrir ce milieu est très intéressante.

Les lycéens de Mana et Rémire-Montjoly, qui sont respectivement en option facultative et spécialité cinéma audiovisuel, sont très heureux d’avoir acquis des connaissances et un savoir-faire tout au long de la semaine. Ceux qui envisagent dès aujourd’hui une carrière dans le cinéma ou le journalisme, voient cet évènement comme une opportunité de découvrir le fonctionnement des différents métiers qu’ils n’avaient, pour la plupart, jamais eu l’occasion d’expérimenter.

Malgré des opinions variées, tous se rejoignent pour témoigner du succès du festival et espèrent le voir retrouver sa place ici, en Guyane, dans les années à venir.

Honorine Huvelle et LaurieAnne Antoine

Spears from all sides, une suite ?

Présent pour la projection qui s’est déroulé jeudi dans l’après-midi, le réalisateur Christopher Walker nous a présenté un des films documentaires en compétition au FIFAC.

De 1964 à 1992, la société Américaine Texaco exploite les ressources pétrolières du Nord Est de l’Équateur et crée de graves conséquences dans la forêt Amazonienne primordiale pour la tribu des Huaorani. Ces épisodes engendreront la « révolte » de ce peuple qui intentera un procès à la société pétrolière. A cette époque Christopher Walker réalise un reportage « Colifichets et Verroteries » pour la NBC à New York tourné pendant trois ans. Vingt-trois ans plus tard sort le documentaire Spears From All Sides filmé durant quatre ans. De nombreuses années séparent ces deux documentaires qui traitent tous les deux du même sujet. Sur le conseil de quelques personnes, Christophe Walker se rend en Equateur afin de rencontrer les Huaorani et fait la connaissance de Moï un jeune Huaoroni engagé dans la lutte contre l’exploitation pétrolière. Tourné sans l’accord du gouvernement et étant harcelé par les militaires Equatorien Christopher Walker a tout de même eu le soutien des Huaorani. Le but de ce documentaire est qu’il soit vu par le maximum de personnes et d’en apprendre un peu plus sur l’histoire de cette tribu. Christopher Walker aimerait bien dans le « futur » créer une suite de Spears from all sides.

Christine Charleset Molie Rafalskie

Tous les jours, découvrez la newsletter du FIFAC. Pour la quatrième journée, le portrait de Vanina Lanfranchi, Directrice de l’Atelier Vidéo et Multimédia, le programme de la journée et de demain et l’interview de Wilfried Jude, en charge du Jury des Lycéens.

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Edito

Comprendre la nécessité d’une mise en place de filières locales liées aux métiers de l’audiovisuel et du numérique : la formation, la transmission, l’accompagnement professionnel, l’aide à la création, sont finalement posées au sein même du FIFAC et touchent tous les individus quelque soit le pays d’où ils viennent.

Les retombées d’un tel événement ne peuvent être percectibles que si et seulement si, des structures locales peuvent répondre à l’accueil et tisser des liens dans une perspective interrégionale.

Ils nous est apparu indispensable de vous donner quelques clefs pour mieux comprendre le contexte et poser d’ici à la fin du festival les bases de conditions d’accueil encore plus idéales.

Sans doute la pluie quant à elle, continuera toujours de s’inviter…

MD

Le portrait du jour : Vanina Lanfranchi

Directrice de l’Atelier Vidéo et Multimédia (AVM), Vanina Lanfranchi est aussi porteuse du Pôle image Maroni. Nous avons voulu en savoir plus sur ses projets dont « Passeurs d’Images » et sa vision sur l’éducation à l’image.

FNL : Pouvez-vous nous expliquer les projets d’AVM ?

VL : Nous développons au travers du Pôle Image Maroni l’éducation aux Images et aux nouveaux médias, en mettant en place des ateliers de pratique audiovisuelle et cinématographique en milieu scolaire et périscolaire, nous animons et coordonnons le dispositif interministériel hors temps scolaire d’éducation à l’image « Passeurs d’Images » et nous collaborons au dispositif en temps scolaire école, collège, lycéen et apprentis au cinéma, coordonné par l’association GCAM pour la Guyane. Nous avons développer des parcours pédagogiques d’éducation à l’image du CP à la terminale que nous allons commencer à mettre en place cette année dans le cadre de l’éducation artistique et culturelle en milieu scolaire.

Par ailleurs depuis 2014, en partenariat avec Docmonde et Lumière du Monde nous mettons en oeuvre un programme de formation au documentaire de création Doc Amazonie Caraïbe qui accompagne des auteurs / réalisateurs du territoire amazonien en leur permettant, au travers de l’organisation de rencontre avec des producteurs et des diffuseurs de l’hexagone de faire émerger leur point de vue. C’est ainsi qu’une dizaine de films ont été réalisés et produits depuis le démarrage du programme. Nous développons aussi de la formation professionnelle avec des parcours d’insertion pour les jeunes en décrochage et portons le projet « Incubateur audiovisuel » retenu dans les assises des Outre-mer qui conjugue : un centre de formation, une pouponnière d’entreprises et une Télévison Locale de Service Public Tv TLSP. Et puis, il y a bien sûr les Chroniques du Maroni dont vous avez déjà parlées dans vos colonnes.

FNL : Que pensez-vous de la place du cinéma et de l’audiovisuel dans le milieu scolaire et extrascolaire mis en place pour les jeunes ? Et vous-même quelles actions menez-vous ?

VL : Par exemple le dispositif Passeurs d’images que nous coordonnons depuis 2013, est un formidable outil pour la Guyane car il s’adapte aux différents publics, aux

différentes cultures qui se côtoient sur un vaste territoire. Il permet aux jeunes au travers des axes que nous développons d’expérimenter la notion de citoyenneté et de vivre ensemble en Guyane. Passeurs d’images se déploie avec :

– La mise en place d’ateliers de pratique cinématographique où l’on invite des professionnels à partager leur expérience avec des jeunes. Notre but est donc de mettre en relation un groupe avec un professionnel du cinéma, avec à la clé une production qui valorise l’atelier.

– Nous avons pris en charge durant les vacances de Pâques 300 places de cinéma pour les jeunes entre 6 et 18 ans issus des quartiers prioritaires de la ville de Kourou et nous allons renouveler l’opération aux vacances de la Toussaint avec Cayenne.

– Nous mettons en place des séances spéciales où le public éloigné de l’offre culturelle rencontre des réalisateurs. Pour exemple, Nicolas Millet, invité du FIFAC, qui, dans le cadre de Passeurs d’images a présenté son film « KA’por, le dernier combat », au Carbet des associations du village chinois, hier soir.

FNL : Pensez-vous qu’il y a suffisamment d’actions autour de l’éducation à l’image ?

VL : Les jeunes passent énormément de temps devant les écrans et cela sans filtre. Il est donc nécessaire de leur donner les outils pour qu’ils puissent apprendre à décrypter et prendre du recul par rapport aux images. Je pense en effet qu’on devrait donner beaucoup plus de place à l’éducation aux images dans les programmes éducatifs, et je pense également qu’autour d’un film, on peut débattre de beaucoup d’idées.

FNL : Quel est votre objectif et quelles sont vos attentes du FIFAC en tant que Directrice d’AVM ?

VL : Il nous a paru très important que l’éducation aux images soit présente dans le cadre du FIFAC. Mercredi a eu lieu une conférence sur l’éducation à l’image. Nous avons organisé les séances scolaires et nous encadrons le jury lycéen. Votre présence est très importante car il est primordial d’ouvrir le festival à la jeunesse.

 

Propos recueils par Rafalskie Molie et Christine Charles

Les compagnons de l’image

Véronique Kanor et Serge Poyotte ont des parcours de vie qui se croisent : journalistes puis auteurs de films de fiction ou de documentaire. Ils se retrouvent au FIFAC et font partie du Jury pour la sélection officielle. Depuis l’ouverture du festival, il a beaucoup été question de production, de diffusion mais qu’en est-il de la création ?

FNL : En tant qu’auteurs, quelles sont vos attentes dans le FIFAC ?

Véronique Kanor : c’est faire des rencontres car pour moi qui ne fait pas beaucoup de fiction, qui travaille beaucoup plus en documentaire, il y a une espèce de solitude. Je suis tout le temps confrontée à moi-même. Ce que j’attends ce sont des rencontres, c’est à dire retrouver une famille. Par exemple quand j’ai su que Serge Poyotte était membre du jury, cela m’a apporté une bonne raison d’être présente au FIFAC. C’est aussi renouer avec des personnes que je connais depuis longtemps et qui me font juste du bien. C’est quelque chose de l’ordre de l’amitié.

Serge Poyotte : Moi je n’attends rien du FIFAC parce que je ne suis pas dans le documentaire et je ne viens pas vendre un projet. Frédéric Belleney m’a demandé d’être membre du jury et de venir avec mon film. Je lui ai dit oui parce que Saint Laurent du Maroni c’est ma ville. Je n’y suis pas né mais cela reste ma ville de coeur et les membres d’AVM et de Pôle image Maroni, sont à la fois mes amis et ceux avec qui je bosse. Je suis très heureux d’être ici parce que je rencontre des gens que je connais et avec lesquels j’ai une vraie complicité, comme Véronique, comme d’autres. Je suis content de voir des films, je suis content d’apprendre. En fait, mon attente au sein du FIFAC, c’est d’apprendre à regarder un documentaire.

VK : J’abonde dans ton sens car moi aussi chaque fois que je viens à Saint-Laurent du Maroni c’est grâce à AVM, et grâce à Fredéric Belleney dans le cadre d’American Molo Man. J’adore être dans un jury, confronter nos sensibilités, nos points de vue. Comment ça fait bouger nos perceptions sur une oeuvre que l’on va voir. Nous avons énormément de chance d’être dans ce jury-là, avec la présidence de Patrick Chamoiseau.

FNL : Vous êtes membres du jury, je n’ai bien sur pas la possibilité de vous poser des questions sur les films, aussi, ce qui m’intéresse c’est votre perception, votre émotion, le libre arbitre. Où cela vous emmène dans votre tête, dans la responsabilité d’un choix « définitif » ?

SP : C’est toujours difficile de juger ses pairs mais ce qui est bien, ici, c’est que dans le jury il y a une grande bienveillance, et à la fois un tel niveau de pensées… C’est à dire entre Véronique, Fanny, les 2 Laurence, Medhi et Patrick Chamoiseau, finalement ce n’est plus aussi difficile.

VK : Chacun apporte quelque chose dans son choix qui reste du domaine de la sensibilité. Cela vient du coeur. Je trouve qu’il y a 2 films quand on est dans le jury. Il y a le film que chacun voit et après celui que l’on reconstruit tous ensemble.

FNL : Une dernière question, Véronique tu es dans Doc Amazonie Caraïbe et toi Serge dans Gcam, pouvez-vous nous éclairer sur chacune de ces structures ?

VK : Doc Amazonie Caraïbe c’est une résidence d’écriture documentaire. Tu viens avec un projet de film et pendant 5 à 8 jours, on t’aide à faire émerger un film. Tu apprends à faire un pitch, c’est la session qu’il y a eu mercredi matin. Ce Pitch se fait devant des producteurs et des diffuseurs. Ce qui est très très important car quelques fois on n’a pas de producteur ou pas de diffuseur. C’est une chance inouïe de rencontrer des professionnels du broadcast de la télévision qui vont presque s’engager. Ces gens là payent pour venir nous écouter, ce n’est pas gratuit.

FNL : Et en tant qu’auteur comment fais-tu pour « entrer » dans Doc Amazonie Caraïbe ?

VK : Il y a un appel à projets. Selon des critères définis par AVM et Lumière du Monde, tu es retenu, ou pas… Une fois que tu es sélectionné, tu as 2 à 3 rendez-vous sur skype avec les accompagnateurs qui te font des retours sur ton projet, te posent des questions et essayent de mettre en avant les lignes de faiblesse ou de force. Pour moi c’est AVM qui m’a proposé de participer car j’avais un film et je ne voyais pas comment le traiter… J’étais prête à abandonner. Je suis ressortie de cet atelier avec un film !

FNL : Et Gcam ?

SP : C’est une association qui regroupe les professionnels de l’audiovisuel et du cinéma en Guyane. Elle a été créée il y a une dizaine d’années à Saint-Laurent, C’était en 2009, nous étions une dizaine avec une volonté commune : « faire entendre notre voix ». La Gcam est une association qui porte la parole des auteurs, réalisateurs, techniciens, de toute la Guyane. C’est aussi ouvert aux Antilles et ailleurs. Elle forme les techniciens, les producteurs et fait le lien entre la production et ceux qui réalisent, dans des accueils de tournage par exemple.

FNL : Quel lien y a t-il avec la commission du film ?

SP : La Gcam a répondu à un appel d’offre et la CTG nous a sélectionné. La Gcam avait pour souhait de gérer la commission du film et c’est une belle reconnaissance qu’elle ait obtenu ce marché. J’espère qu’elle va faire du « bon boulot ».

Propos recueillis par Marianne Doullay

3 questions à… Wilfried Jude

Dans le cadre des Ateliers Vidéo et Multimédias, Wilfried Jude encadre cette semaine les lycéens de Mana et Rémire-Montjoly. Il cherche à leur faire découvrir un savoir-faire dans le domaine de l’image et attend d’eux qu’ils représentent la Guyane de demain.

FNL : Quel est votre rôle au sein du FIFAC ?

WJ : Sur le Festival, je suis en charge du jury des lycéens. Il y a deux classes, l’une est de Rémire, l’autre de Mana, présentes sur le Camp de la transportation tout au long de cette semaine. Ces élèves doivent décerner le Prix des lycéens à la fin du festival. Ils élisent ainsi le documentaire le plus prometteur. Mais là n’est pas leur unique activité, ils rédigent également des critiques sur les différentes productions visionnées, qui seront ensuite publiées à la fois dans la Newsletter et sur le site du FIFAC. Sept autres élèves participent à la rédaction de ce quotidien et sont encadrés par des professionnels.

FNL : En quoi consiste l’éducation à l’image et pourquoi vous motive-t-elle ?

WJ : Je travaille dans ce milieu depuis un certain temps. Cependant, j’exerce à l’Atelier Vidéo et Multimédia depuis un an maintenant. Je suis davantage spécialisé dans l’éducation cinématographique et audiovisuelle, ce qui pour moi, est très important pour diverses raisons. Tout d’abord parce que partager et co-créer ensemble est un concept intéressant, et que cela nécessite une bonne cohésion de groupe et une entraide entre chaque personne. Notre objectif est que les personnes avec qui nous travaillons, qu’elles soient enfants, adolescents ou adultes, se sentent bien. Deuxièmement, cela nous permet de regarder le monde différemment et de prendre conscience de la place de l’image dans leur vie. Que racontent les images, que signifient-elles ? Nous prévenons les jeunes vis-à-vis des fausses informations véhiculées sur les réseaux et de leur donner des outils afin de savoir les différencier.

FNL : Vous encadrez des jeunes lycéens de Rémire-Montjoly et de Mana. Qu’espérez-vous de l’expérience qu’ils auront acquise d’ici la fin du festival ?

WJ : J’espère qu’ils se seront bien marrés. Etant plus jeune, j’ai eu la chance de participer à des festivals de cinéma notamment et d’en programmer quelques-uns par la même occasion. Je souhaite que ces lycéens s’immergent, se sentent à l’aise avec leur personnel encadrant et qu’ils s’amusent. Cet événement leur permet de rencontrer des professionnels, c’est ainsi une grande opportunité et une superbe expérience pour eux. L’exercice de l’écriture critique, qui occupe en majeure partie leur emploi du temps, les entraîne à structurer leurs pensées et à échanger avec les autres sur un sujet commun. Le but est d’aller au-delà de leur ressenti.

FNL : Quels sont vos projets d’avenir ?

WJ : Avec AVM, nous avons plusieurs projets en tête dans le but de développer des actions à visée éducative. D’un côté plus personnel, je m’essaie à la production de films expérimentaux : un petit budget, l’absence d’acteurs et des plans réalisés à l’aide de mon téléphone portable.

Propos recueillis par Honorine Huvelle et LaurieAnne Antoine

Ce journal est réalisé dans le cadre d’un atelier d’écriture journalistique.

Fifac Newsletter est éditée par l’Afifac. Directeur de la publication : Frédéric Belleney. Rédactrice en chef : Marianne Doullay. Secrétaire de rédaction : Nicole Bargigli. Comité de rédaction : les classes section cinéma de Cayenne et Mana avec Honorine Huvelle, Laurie-Anne Antoine, Christine Charles, Léa Brodin, Manaée Pancrate-Brunel, Pricella Pinas, Rafalskie Molie, encadrés par Sandra Quintin et Wilfried Jude.

S’accepter pour être accepté

« Fabulous » est un film documentaire d’une durée de 46 minutes, réalisé par la guyanaise Audrey Jean-Baptiste, en 2018.

A travers le portrait de Lasseindra Ninja, qui fait son retour en Guyane après une longue absence, la réalisatrice nous fait découvrir la communauté noire LGBTQIA+ par le voguing fem. C’est une danse inventée dans les clubs souterrains de New-York dans les années 80, s’inspirant des défilés de mode. La musique plus particulièrement, nous plonge dans l’univers des danseurs LGBTQIA+. Chaque sujet, danse et LGBTQIA+ permet de découvrir l’autre réciproquement, dans un long métrage très dynamique. 

Derrière cela, comme pour le  film-documentaire « Tournés vers la Mecque » de Mariette Monpierre,  présenté aussi au festival, on retrouve un besoin pour chacun de recherche et d’acceptation de soi mais aussi par les autres. On repère dans ces deux productions un monde séparé de la société,  un monde qui existe mais auquel on ne prête pas attention.

Cependant ce film nous invite à changer les  mentalités pour évoluer. Cette réalisation est vraiment intéressante, car elle fait tombé les préjugés. Elle nous amène à découvrir, voir les autres sous un regard nouveau, avec respect et vitalité.

A NE PAS RATER !

Benjamin Antoinette

Léo Dalquier

Ryenzo Icare    

Touyawalé Therese

Croire jusqu'à la folie

« Douvan jou ka leve » veut dire littéralement « demain, le jour se lève » . Réalisé en 2017 ce film de 52 minutes a déjà été projeté dans différents festivals.

« Douvan jou ka leve » cherche à comprendre pourquoi la religion chrétienne s’exprime avec autant d’intensité au sein de la population haïtienne , et mène parfois jusqu’à la folie. La réalisatrice parle même de « maladie de l’âme ». Pour comprendre ce phénomène, elle s’appuie sur l’exemple de sa maman qui souffre de maladie mentale. Cette dernière considère que la folie quelle a eu quasiment pendant un mois est une punition du vaudou pour s’être convertie au protestantisme.

La réalisatrice fait rentrer sa caméra dans des églises, dans un asile et dans la maison où elle a grandi. On est surpris de constater que de nombreuses personnes ont des attitudes similaires proche de la folie (état second, perte de contrôle, paroles irrationnelles), les symptômes d’une même maladie. Nous avons trouvé certaines scènes saisissantes, en particulier celles qui montrent les transes dans les églises.

Par moments, le documentaire n’est pas forcément facile à comprendre. C’est peut-être pour mieux refléter la complexité de la situation. En revanche, sur le plan esthétique, le documentaire est bien réussi (au niveau du cadrage), ce qui permet de renforcer la dramatisation de certaines scènes notamment en asile et au niveau des défilés dans les rues. Ce qui était parfois touchant c’est que certaines personnes considèrent que les problèmes et catastrophe sont liées à des malédictions. 

Ce documentaire est singulier car il exprime le point de vue de la réalisatrice. Selon son hypothèse, cette forte religiosité serait un héritage de la colonisation et de l’esclavage. Nous recommandons ce film car il permet de mieux comprendre la place de la religion en Haïti.

Jennyfer Farias

Stéphanie Jarumajaré

Rylian Icaré

Pang-Doua Yang

Une mémoire à sauvegarder

« Unti les origines », un documentaire de 56 minutes, est le premier long métrage de Christophe Yanuwana Pierre sorti en 2018. Le réalisateur nous montre les coutumes ancestrales de la culture Kali ‘na  à travers son propre vécu, dans un film à la première personne. Son voyage vers le mont Talwakem, un lieu sacré, lui permet de partager son inquiétude sur la situation actuelle: l’orpaillage qui détruit les terres et les croyances, la disparition du chamanisme, de sa langue, du devenir de sa communauté elle-même.

Certains plans assez longs et silencieux, éveillent la curiosité des spectateurs et sont entièrement tournés en Kali ‘na, la voix off posée permet aux spectateurs de plonger dans son univers, celui de son peuple et de découvrir sa réalité.

Ce film apparaît comme un manifeste, en effet il est fait pour sensibiliser sur la disparition d’éléments de cet univers. Pour ne pas arriver à cette perte, la voie du documentaire permet de préserver, transmettre ses mémoires même s’il peut être difficile de filmer sa propre famille.

Ici, un documentaire amérindien réalisé par un amérindien.

Soutou Yana

Ly Christina

Pinas Ariel

Majokko Andréa

Une tragédie pas si antique que ça

« Le vertige de la chute (ressaca) » est un documentaire brésilien de 86 minuntes réalisé par Vincent Rimbaux et Patrizia Landi en 2018. Il montre la violence de la crise brésilienne actuelle à travers le prisme de l’opéra de Rio de Janeiro. Face à sa fermeture prochaine, les danseurs étoile, les musiciens de l’orchestre symphonique, les logeuses et les portiers ont décidé de se battre pour le maintenir en vie, même s’ils ne sont plus payés.

Dès les premières images, le film impose son style esthétique avec un récit original. Tourné en noir et blanc, en format cinémascope pour toucher la sensibilité des spectateurs, il est découpé en 5 actes, tout comme l’étaient les tragédies antiques.

A travers différents personnages, les réalisateurs établissent un contraste ingénieux : celui de l’art et du chaos. L’intensité de la musique lors du premier spectacle nous place directement dans la gravité de cette crise tragique. Ils nous font découvrir avec une vision artistique et poétique la manière dont les personnes résistent à la crise. Les musiques accordées tout le long du film nous permettent de nous identifier à ces personnages.

C’est un film touchant, rempli d’émotion et de métaphores. Nous vous le recommandons fortement pour son sujet particulièrement parlant à notre époque.

Tous les jours, découvrez la newsletter du FIFAC. Pour la troisième journée, le portrait d’Éric Scherer, Directeur de l’Information et de la Prospective du groupe France Télévisions​, le programme de la journée et de demain et l’interview de Doc Seven, Youtubeur de renom Saint-Laurentais.

Téléchargez le PDF complet de notre newsletter en bas de la page et bonne lecture !

Edito

Nous n’en attendions pas moins. L’émulation du FIFAC a touché l’équipe des rédactions du «pôle média» mis en place pour le festival. Deux équipes : une, axée sur le contenu numérique avec 6 étudiants encadrés de quatre adultes formateurs. Prises de vues et montage font partie de leur quotidien. Une autre en version «papier» avec à son service 6 lycéennes et un lycéen encadrés par deux adultes formatrices. Préparation d’interviews, écriture journalistique sont aussi devenues leur quotidien.

L’énergie est le vecteur de cette aventure. A l’instar du FIFAC, nous sommes à l’écoute, nous transmettons et nous portons des paroles. Nous formons, nous tentons d’apprendre les uns des autres, nous nous apprivoisons. Nous vivons des moments riches de choix et d’arbitrage. Nous vivons au rythme du festival : intensément. Quel plaisir de nous découvrir tour à tour force de proposition. C’est une merveilleuse aventure humaine, à laquelle vous participez vous aussi, chaque jour, en lisant les pages de cette Newsletter. Nous sommes déjà mercredi, la moitié du festival, que cette quête de l’épanouissement continue de nous habiter.

MD

Le portrait du jour : Eric Scherer

Directeur de l’Information et de la Prospective du groupe France Télévisions, Éric Scherer est l’un de nos nombreux invités sur ce festival ici à Saint- Laurent du Maroni. Nous l’interrogeons aujourd’hui sur son rôle au sein du FIFAC ainsi que sur ses ambitions concernant la « Télévision de demain ».

FNL : Vous êtes le directeur de l’Information et de la Prospective du groupe France Télévisions, pouvez-vous, en quelques mots, nous résumer en quoi consiste ce poste ?

Mon travail, c’est de faire l’antibrouillard, c’est-à-dire essayer d’éclairer devant nous ce qui se passe dans le monde d’une télévision bouleversée par la Révolution Numérique. Après la musique et la presse, c’est désormais au tour de la télévision et de la radio d’être chahutées par ce progrès. Voilà ainsi la première partie de mon travail : anticiper, analyser et avertir de ce qui se passe dans ce monde d’audiovisuel récemment chamboulé. La deuxième partie de mon travail consiste à tester et expérimenter des formats différents pour de nouvelles expériences. Ces derniers reposent sur des éléments portant sur le sport, la culture, le fictif, le divertissement mais aussi sur les nouvelles technologies. Comme actif principal, nous avons l’information vérifiée, sourcée, analysée, décryptée, hiérarchisée dans un contexte où la désinformation, la propagande même, est en train d’envahir la totalité d’Internet. J’appartiens donc aujourd’hui à deux directions : celle de l’Information puisque le journalisme est toujours ma profession première ; et celle du Numérique. La « Télévision de Papa » est un concept consistant à attendre un programme à une heure fixe et se voir imposer les programmes suivants. On remarque qu’il existe un vocabulaire lié à ce dernier, qui repose sur le champ lexical du bagne : on parle alors de « chaînes » de télévision ainsi que de « grilles » de programmes. Vous voyez bien que ce n’est pas une référence à la liberté, contrairement au Numérique qui la permet. Il ne s’agit donc plus d’être soumis à un programme, mais de consommer à la demande. Ce format nous laisse la possibilité de créer une playlist de contenus vidéo qui plaisent dans tous les domaines possibles. Le choix vous revient ainsi.

FNL : Quel est votre rôle ici, au sein du FIFAC ?

Ma présence dans ce festival se justifie par deux choses : d’abord pour essayer de mieux comprendre, voire apprendre comment fonctionne la Guyane et plus précisément « Le

 

Fleuve ». Il est question de partager, d’échanger avec les professionnels de l’audiovisuel et du documentaire, afin qu’ils soient conscients des nouvelles tendances des citoyens. Je cherche également à analyser les défis de la télévision qui se dessinent sur ce territoire.

FNL : Quel est votre ressenti au sujet de la capacité des « autochtones » à refléter leur identité culturelle dans les médias ?

Après les séries, le documentaire, également nommé « L’âge d’Or », est le genre majeur de la télévision. Il bénéficie d’une multitude d’opportunités pour s’imposer et séduire le paysage de l’audiovisuel. La population de notre génération est moins enclin à lire les journaux, mais sont tout de même curieux de visionner des productions qui ont été méticuleusement analysées et développées sur un temps plus long. Les sujets sérieux de société, qu’ils soient historiques ou scientifiques, sont un genre qui a un énorme avenir devant lui. Ils dominent les plateformes telles que Netflix, Amazon Prime, Disney, Facebook ou encore Apple TV.

FNL : Vous êtes aujourd’hui encore journaliste, et avez donc sûrement beaucoup voyagé. En quoi cette expérience vous permet-elle d’avoir une vision d’ensemble sur la prospective de France Télévisions ?

J’ai beaucoup de chance d’avoir eu la possibilité de travailler à l’étranger, mais surtout au sein de l’AFP, l’un des principaux grossistes de l’Information. Cette expatriation dans les agences de presse à Tokyo, Washington et Londres, m’a permis de voir l’importance de la Révolution Numérique, d’acquérir à la fois une avance sur notre temps en Europe et surtout de réaliser l’influence qu’elle possède sur les domaines de la médecine, de l’éducation ou encore de la défense.

FNL : Quel serait, pour vous, l’idéal médiatique de demain ?

Mon utopie pour l’avenir médiatique serait d’offrir l’opportunité à nos spectateurs de participer à une proximité plus importante que celle d’avant. C’est un but que l’on arrive à atteindre à la radio, sur Internet, mais beaucoup moins à la télévision, et j’espère le voir se réaliser un jour.

Propos recueillis par LaurieAnne Antoine et Honorine Huvelle

L’engagement

Bruno Florentin, producteur dans la société Real Production est à Saint-Laurent du Maroni, pour le Fifac et les rencontres Doc Amazonie-Caraïbes mais aussi pour suivre de près son « poulain » le réalisateur Christophe Yanuwana Pierre.

Rencontre avec un homme de goût, sensible, qui nous dévoile ici une approche de son travail.

Comment définirais-tu la ligne éditoriale de ta structure de production ?

On essaie de placer l’homme au centre d’une société en plein mouvement. On fait des films qui vont traiter d’histoire, on aime l’histoire et parfois hélas, il faut la refléter. On s’aperçoit que des phénomènes fâcheux de notre histoire peuvent tout à fait se renouveler alors, il faut répéter les choses, on participe à l’Histoire. Autrement, on fait beaucoup de films sur l’environnement, là aussi il faut répéter les choses. Montrer les initiatives, pas seulement alarmer mais montrer. On parle aussi de société, des « hommes ». On fait aussi quelques films qui ont trait à l’art, des portraits d’artistes, sur le cirque, des musiciens, des chanteurs, des auteurs, on travaille actuellement avec un artiste de théâtre… C’est assez varié… C’est comme un coup de coeur. Moi au début, si j’ai fait des films, c’était pour parler, très naïvement sur les droits de l’homme, je pensais que chaque film pouvait changer les choses…

Je rebondis sur « chaque film pouvait changer les choses… » Ce matin tu évoquais le travail d’écriture et d’accompagnement. Et j’ai remarqué que tu apportes une attention très particulière à certains auteurs, comme Christophe Yanuwana Pierre, peut être y en a t-il d’autres ? Sur cette préparation, ce travail d’écriture, qu’est ce qui détermine que tu vas aider plutôt tel auteur qu’un autre dans son travail qui amène, comme tu le dis, à la liberté ?

Le travail d’écriture est effectivement fondamental, c’est ce qui prend le plus de temps, je crois. C’est ce qu’oublient souvent les chaines et les financeurs. Faire un enfant c’est 9 mois mais faire un film demande un long travail d’écriture. Pour bien développer le travail et aller jusqu’au bout. Ce n’est pas écrire un dossier, c’est déjà imaginer un futur film donc c’est peut être une contrainte au début, oui…mais quelle liberté après. A partir de là on peut faire des choix, on peut faire autre chose. Entre un dossier et un film il y a un pas car il y a plein de choses qui vont se faire et plein d’autres qui ne vont pas se faire. Il faut rester ouvert mais au moins cela permet d’avoir une ligne narrative, d’avoir un fil directeur et de savoir où on va. Et ces dossiers, souvent, quand on est en montage et que l’on a des blocages, moi je leur dit : « Je sais ce qui ne va pas dans votre film et en plus c’est vous qui l’avez écrit, revoyez le dossier » la plupart du temps, ça débloque le travail. C’est donc un document de travail qui permet d’avoir la liberté de bouger, de retrouver… c’est un guide.

« C’est un guide », c’est joli. Je me demande si toi aussi, finalement tu n’es pas un peu un guide, un accompagnateur ?

Comme je le disais tout à l’heure, c’est un peu ce pourquoi je me suis lancé naivement dans le documentaire, pour les droits de l’homme. Sur ce projet, comme j’ai rencontré Christophe Pierre, c’est une ouverture et je me suis dit peut être, enfin, j’allais commencer à faire un film sur les droits de l’homme, comme j’en rêvais depuis longtemps. J’ai été séduit par son charisme, je voyais des images dans ses paroles, des rêves, des émotions, et je me suis dit : « J’ai 61 ans, je ne vais peut être pas faire de films durant 10 ans mais celui là je veux le faire. Il faut aller jusqu’au bout de ce film*.

Pour conclure, quel est ton regard et ton attente par rapport au FIFAC ?

J’avoue que j’étais là l’an dernier lorsque la décision s’est prise. Encore « une vision », un rêve aussi. Quand Didier Urbain a fait cette proposition auprès des personnes de France Télévisions et que Wallace Koltra a donné son assentiment, Je me suis dit : « À Saint-Laurent du Maroni, comment vont-il faire ? C’était un sacré challenge et quand j’ai reçu le programme, quand je vois au quotidien, ce qui se passe ici, c’est juste génial !

Et puis, c’est surtout intelligent. J’ai bien aimé le discours d’ouverture de Patrick Chamoiseau sur cette expression : « Nous incitons les Caribéens à s’émanciper, juste à s’émanciper, c’est un pays mais émancipons-nous, on a notre culture ». Alors je trouve que ce festival est en parfaite adéquation avec ce discours ou ce discours est en parfaite adéquation avec ce festival. Dans tous les cas l’un va bien avec l’autre.

Propos recueillis par Marianne Doullay.

« Si tu as quelque chose à raconter, il y aura des gens pour t’écouter »

William Van de Walle, dit Doc Seven, né le 31 mai 1991 à Saint Laurent du Maroni en Guyane, est un réalisateur, scénariste puis vidéaste éducatif franco-belge sur la plateforme de vidéos YouTube où il a plus de 1.9 million d’abonnés.

FNL : En quelques mots, pouvez-vous nous raconter votre parcours ?

D.S : Je suis né à Saint Laurent du Maroni, j’y suis resté jusqu’à mon année de première au lycée, j’ai fait ma terminale en Australie, j’avais 15 ans. Ensuite après un peu de biologie, j’ai fait 5 ans de cinéma à Paris. Puis des stages sur des films et séries car à la base je voulais être réalisateur sauf que c’est trop « chiant » sur le plateau. J’ai rencontré quelqu’un qui possédait une chaine YouTube et je me suis dit que j’allais tester et puis ça a marché. Je me suis lancé sur YouTube le 21 janvier 2015 et ça a explosé.

FNL : A qui sont adressées vos vidéos et pourquoi ?

D.S : A tout le monde, l’écrasante majorité de mon audience représente 70% de personnes âgés de 18 à 35 ans. Et les moins de 18 ans représentent 15%. Ce n’est pas pour apprendre des choses, c’est pour montrer que l’on peut être curieux sur plein de sujets, pour donner envie de s’intéresser à n’importe quoi. Donc peu importe l’âge ça peut fonctionner pour n’importe qui.

FNL : que pensez-vous du FIFAC à Saint-Laurent du Maroni ?

D.S :C’est trop bien, le FIFAC à Saint- Laurent c’est le meilleur endroit pour ça en Guyane, ça c’est sûr ! Et je pense que c’est surtout très cool pour les jeunes parce que ça peut les motiver un petit peu. Je pense que ça va les inciter à créer des choses. Maintenant on a les téléphones c’est une révolution, si tu as quelque chose à dire tu prends ton téléphone et tu le dis. Donc le FIFAC à Saint-Laurent il faut que ça engage les jeunes à mettre leur vision sur le monde et dire ce qu’ils ont à dire, il y a tellement de thèmes à faire ici.

Manaée Pancrate-Brunel

Pricella Pinas

Les Outre-Mer à France Télévisions

Grande première hier à Saint-Laurent du Maroni, le Fifac réunissait les producteurs et opérateurs d’Outre-Mer avec leurs principaux interlocuteurs de France Télévisions. La perspective de la disparition en août 2020 de France Ô, chaîne dédiée, impose une nouvelle organisation des programmes de la télévision publique. Dorénavant, les chaînes publiques ont pour mission de rendre plus “visibles” les territoires et communautés d’Outre-Mer dans leur offre généraliste. Pour ce faire, un changement de regard sur la production ultramarine apparaît nécessaire : moins de condescendance, un meilleur accompagnement des projets…

Originaire de Nouvelle-Calédonie, Walles Kotra, le directeur du Pôle Outre-Mer-France Hexagonale de France Télévisions, veut croire en la stratégie définie dans le “Pacte pour la visibilité des Outre-Mer”. Un pacte en trois volets : inciter les chaînes publiques à un “réflexe outre-mer” ; leur proposer des programmes dédiés et financés ; renforcer le soutien à la production des chaînes du réseau ultramarin des Premières. Certes, les intentions affichées doivent favoriser la production ultramarine, mais la disparition d’un système de relations établi avec l’ancien diffuseur France Ô, fait apparaître des zones de flou.

Le chantier de la réorganisation en cours laisse sans réponse certaines questions soulevées par les représentantes du Syndicat de la production audiovisuelle et cinématographique des Outre-Mer (Spacom). Quid de la plateforme numérique, qui doit être mise en place début 2020 ? Comment seront répartis les 10 millions d’Euros consacrés au co-financement entre les Premières et les chaînes nationales ? Quand Walles Kotra parle d’une “phase de lissage”, Laurent Corteel, directeur des contenus, évoque la nouvelle unité de programme chargée des Outre-Mer. Mais Catherine Alvaresse et Béatrice Nivois, respectivement directrices de l’unité documentaire, et des documentaires & magazines, incitent vivement les producteurs présents à soumettre des projets qui racontent des histoires avec un oeil nouveau, une écriture nouvelle, basés du point de vue des Outre-Mer.

François Bensignor

L’islam, un combat dans les Antilles

« Tournés vers la Mecque » est un documentaire de 52mn réalisé par Mariette Monpierre en 2019. Ce film traite d’un sujet relativement méconnu, à savoir la vie de femmes et d’hommes antillais convertis à l’islam.

Ce documentaire témoigne en particulier de leur isolement. Un long métrage lent par son traitement du sujet qui montre la lourdeur de porter cette religion face aux préjugés et à la difficulté de la pratiquer : la réalisatrice suit plusieurs personnes dans leur quotidien.

On y voit des femmes qui ont peu de lien avec les gens qui ne pratiquent pas l’islam.

Des scènes vont parfois jusqu’à nous choquer : une cliente qui prend rendez-vous le décline car la coiffeuse porte un voile.

Mais, malgré tout, les femmes continuent à porter ce voile, qui fait partie de leurs pratiques. Pour certaines, ces pratiques sont un moyen de s’évader, de s’apaiser et non pas de s’enfermer.

Nous avons aimé la façon dont les protagonistes assument avec force et fierté, leurs convictions, leurs identités et leurs choix de vie.

La religion est un sujet parfois difficile à aborder. Le film porte tout de même un beau message de tolérance et de paix.

Jennyfer Farias

Rylian Elina

Stéphanie Jarumajaré

Pang-Doua Yang

Le pouvoir du peuple par le peuple pour le peuple

“El pais roto” est un film de 69mn réalisé par Melissa Silva Franco au Venezuela en 2018. C’est un documentaire qui nous montre la crise politique que traverse actuellement le Venezuela.

Dans un pays fracturé, c’est à travers le regard du peuple que la réalisatrice choisit de nous plonger en pleine lutte sociale, en donnant la parole à tous les camps. Ce film nous immerge dans un combat dont on se sent vite acteur nous aussi, grâce à un choix de plans judicieux.

L’histoire du film est facile a comprendre cependant celle du Venezuela est très complexe et rend le film difficile à saisir dans sa globalité. Un film très rythmé avec beaucoup de dialogue et donc beaucoup de sous-titres qui défilent rapidement, ce qui le rend difficile d’approche si vous n’êtes pas hispanophone. Ceci dit, la bande son est bien travaillée et appuie le propos du film.

C’est un film pour montrer et dénoncer la violence, la corruption, la détresse et la brutalité que peut subir le peuple écrasé par le poids souvent trop lourd de la politique.

El Païs Roto, est un film de lutte et de résistance pour la liberté.

Da Conceicao Leonice

Nogueira Thalyssia

Koese Brigitte

Kastiel léosa

Kwadjanie Mercrine

Les douleurs passées toujours présentes

« Scolopendres et Papillons » est un film documentaire de 52 minutes réalisé par Laure Martin Hernandez, en co-réalisation avec Vianney Sotès. Il a été tourné en Martinique en 2019. 

Ce documentaire traite d’un sujet douloureux, l’inceste, à travers le portrait de trois femmes ayant été victimes d’attouchements durant leur enfance. Ces femmes courageuses, parlent avec émotion et sans fard, de leur traumatisme passé. Aujourd’hui, chacune essaie à sa manière de se reconstruire. Fabienne, la première, a créé une association d’écoute et d’aide aux victimes. Par ses mots et son vécu, elle réconforte et soutient des personnes qui ne peuvent plus se taire. La seconde, Agnès, se sert du théâtre pour exprimer sa douleur. Elle écrit elle-même ses propres pièces puis les présente au public. Quant à la dernière, Daniely, elle ne parvient pas à véritablement surmonter son passé. Elle utilise l’art, et plus précisément les insectes pour parler d’inceste. D’ailleurs, on peut remarquer que deux des lettres du mot insecte peuvent être échangées pour former le mot inceste. Le titre du documentaire est d’ailleurs inspiré de ses travaux artistiques. Les sentiments et les émotions de ces jeunes femmes sont exprimés à l’écran grâce à un gros travail de réflexion sur le cadrage (gros plans en fond noir). C’est un aspect que nous avons beaucoup apprécié. Le moment fort du film est évidemment la représentation théâtrale de Agnès : elle met en scène son histoire qui a été longtemps secrète, elle la raconte sans tabou au public. Il s’agit donc d’une réalisation qui nous a, dans l’ensemble, plu par sa structure narrative qui nous met directement dans la peau des victimes, et nous oblige à nous questionner quant à l’aide à leur fournir ou le regard neuf et bienveillant à leur porter. 

C’est un film à recommander, parce qu’il sensibilise et ouvre les yeux sur un sujet éminemment lourd, grave, peu ou pas médiatisé, souvent gardé secret dans des familles, et encore présent dans notre société contemporaine.  

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